« Vieillir »
Alors voilà, parce que j’aime l’écriture de Marilé, j’ai décidé de publier (avec son accord bien entendu) certains de ses textes. Savourez …
On a beau jeu de se moquer des vieilles gens qui regardent passer la vie sur les bancs, à l’ombre des grands arbres, sur les places publiques, quand on est jeune et fringant. Ah c’est facile de railler l’inertie quand le mouvement ne fait pas mal, quand la lumière ne fait pas cligner des yeux dont se retire peu à peu tout fluide, comme de tout le corps qui se dessèche et s’amenuise !
Ils verront bien un jour, eux aussi, ce que c’est la fonte des muscles, l’oreille tendue aux chants des oiseaux qui se raréfient le matin, la langue qui clape avec dégoût sur la soupe insipide qui cartonne la bouche, même faite maison, même avec les recettes d’avant. Les sensations se pastellisent, le monde s’estompe, sanguine sur laquelle on passe une main négligente. Des formes intactes subsistent et ça et là quelques détails que le doigt n’a pas effacés, mais l’ensemble se fond et s’entremêle dans une bouillie de couleur poussiéreuse.